Je participe au Raid moto de la Gibraltar race 2023 ! J10 & 11

La Gibraltar Race est pour moi un véritable ascenseur émotionnel. Les journées où je prends plaisir à rouler alternent avec des étapes plombées par mon moral dans les chaussettes. Ces deux jours ne dérogent pas à la règle. Au menu ? Une gamelle remettant en question ma légitimité à être dans cette course suivie d'une étape où la beauté des paysages espagnols me fait oublier toutes mes contradictions.

Journée mitigée avec à la clé une violente mise en doute de mes capacités. Suis-je vraiment à ma place dans cette course ?

En fait, tout commence plutôt bien. Je suis mon rythme habituel et j'essaye de tenir mes objectifs persos. À savoir ? Ne pas chuter et valider tous les points de passage (le respect des chronos, je l'ai abandonné il y a longtemps).

Arrivé à mi-parcours, je me viande dans une section boueuse. Heureusement, pas de bobo, ni pour la moto, ni pour le pilote. Commence alors la laborieuse épreuve d'haltérophilie. J'ai beau me démener dans tous les sens, donner tout ce que j'ai, essayer de relever la T700 avec des sangles, rien n'y fait. Elle reste inexorablement couchée sur le plancher des vaches.

Je dois appeler l'assistance malgré toutes les pénalités que cela implique. Mais tu sais ce qui me rend fou ? Le gars de l'organisation débarque et la relève seul. Pas une once d'effort sur son visage. Pourtant, il n'a pas le physique d'un bodybuildeur, loin de là. "Tu pourrais la recoucher et la relever ?", lui lance-je sur le ton du défi. Il s’exécute. Je suis dépité. Blasé. Je repars. Mon cerveau bouillonne. Qu'est ce qui cloche avec moi ? Je n'ai pas le physique suffisant ? Serait-ce un manque de technique ? Ou simplement la fatigue après bientôt 10 jours d’épreuve ? Frustré par cette expérience, je me défoule sur les pistes. La moto reste un exutoire efficace dès lors qu'elle n'est pas en position horizontale.

Je me régale des paysages de montagne incroyable de cette région. J'ai même la chance d'observer deux chamois qui passent juste devant moi. Magique ! Et après moult efforts, j'atteins la station de ski de Javalambre. Perchée à 2000m, c'est la plus haute d'Espagne. Il est 20h. 90km de piste m'attendent encore. Que faire ? Jouer la raison ? Je me résous à finir cette journée par la route.

Une fois arrivé à l'hôtel, je suis rincé. Au bout de ma vie.

Physiquement, je n'ai plus une once d'énergie. Mais, tu sais ce qui est le plus dur à vivre ? Voir les visages éclairés des autres concurrents. Ils boivent des coups au bar, bricolent leurs bécanes, comme si avoir roulé pendant 13 heures ne leur faisait rien. Le contraste est saisissant (et déprimant) !

Mais pourtant, je me suis entraîné. Il me semble que ma préparation était plutôt soutenue. J'ai fait de la musculation pendant des mois pour gagner en endurance physique. J'ai roulé tous les week-ends, sur différents terrains pour me challenger et progresser techniquement. Tout ça n'y fait rien : je suis bon dernier. Est-ce-que j'ai vraiment le niveau pour cette course ? Suis-je simplement faible ? Je ne pense pas être à ma place ici. J'ai cette frustration du compétiteur et la sensation de ne pas participer à la même course que les autres. Les niveaux sont trop éloignés. C'est dur...

Mon objectif reste d'aller jusqu'au bout. Alors, je vais essayer de tenir sur ces derniers jours en allant à mon rythme et en prenant du plaisir. Oublier le fait que je sois à la ramasse au classement ne sera pas chose aisée. Toujours est-il qu'autour de moi, le nombre de concurrents s'est considérablement amenuisé et je suis toujours là.

C'est une promenade de santé comparé aux journées précédentes !

Le programme d'aujourd'hui ? Rallier Teruel à Saragosse, soit 400km avec une bonne grosse proportion de tout-terrain (comme d’habitude). 

1ère spéciale : tout se passe Nickel. 2ème spéciale : je galère un peu mais je m'en sors avec un temps respectable. La 3ème, quant à elle, est beaucoup plus chaotique. La faute à ? Ce satané fond de carte qui ne veut pas m'afficher les pistes. Pendant un moment, j'arrive à suivre Bruno et Xavier. Mais à la faveur d'un demi-tour, ils me sèment. Me voilà seul. Mon sens de l'orientation étant quasi-inexistant, je perds un temps fou pour trouver le bon sentier qui me permet de rallier mon ultime point de passage. Ouf... J'en tenté des pistes ! Je crois que j'ai quadrillé tout le coin !

Quid de la dernière spéciale ? Encore un beau moment de solitude, car en me paumant je tombe sur une section jonchée de marches et de galets. Sans réfléchir, j'ouvre les gaz et je serre les fesses. À posteriori, c'était la meilleure chose à faire, sans quoi je me gaufrais royalement. Qui plus est seul et loin du tracé... Donc oui, de temps en temps, il faut se faire confiance, à soi et à la moto. Et surtout ? À force de manger du sable et du gravier depuis 10 jours, je sais maintenant que prendre de la vitesse est la meilleure option dans ce genre de situation. Ce réflexe est maintenant bien implanté dans mon cerveau.

Niveau paysages, ça donne quoi ? Somptueux.

Moi qui connais pas mal le désert de los Monegros, j'ai été agréablement surpris de découvrir de nouveaux coins superbes. Avec la chaleur insoutenable, il y a vraiment des airs de far west. Puis en arrivant sur Saragosse, nous traversons de magnifiques plaines peuplées de vignes. Splendide ! Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. En même temps, il faut se rappeler que l'on parcourt près de 500 bornes par jour, l'équivalent d'un Perpignan-Biarritz.

Quel bilan pour cette journée ? Nickel !

J'ai pris du plaisir, j'ai pu profiter des paysages, aucune chute à déplorer et tous les points de passage sont validés. Qui plus est, mes chronos par spéciale sont honorables, si l'on oublie la 3ème...

Plus que 2 jours à tenir ! Encore 2 jours avant de venir à bout de cette course dantesque. J'ai mal partout... Mes doigts sont ankylosés, mes avant-bras endoloris, mes poignets explosés, les paumes de mes mains sont plus proches du cuir animal que de la peau.

À ce stade de l'aventure, on sent que la fin approche. Le relâchement est palpable, les bières de fin de journée plus nombreuses, et globalement, tout le monde se détend. Mais le danger guette. Pourquoi ? Demain, de la pluie est annoncée sur le désert los Monegros avec le risque d'affronter cette glaise qui rend les pneus lisses. De mon côté, je reste focalisé sur mes objectifs persos : ne pas chuter, prendre du plaisir et valider les points de passage.

----> Je relève le challenge de la Gibraltar race : 8ème jour : paysages grandioses de la Sierra ; 9ème jour : la T7 s'alourdit de jour en jour (épisode 5)