Je participe au raid moto de la Gibraltar race 2023 ! J5, 6 & 7

Te rappelles-tu à quel point j'avais le moral dans les chaussettes à l'issue du 3ème jour de course ? Il semblerait que cette grosse remise en question fut bénéfique. Désormais, j'ai trouvé une forme d'équilibre, je sais sur quoi me focaliser et quels objectifs me fixer. Dans cet article, je reviens sur les jours 5, 6 et 7 : des épreuves difficiles physiquement et techniquement mais qui me confortent dans mes choix stratégiques. Et surtout ? Je ne tombe plus ! Si, si, je t'assure ! Allez on croise les doigts pour que cela continue !

Cette journée est très différente d'hier, et pour cause : j'ai roulé ! La bonne nouvelle ? J'ai parcouru l’entièreté de la trace et aucune chute !

Au fait, tu te demandes peut-être comment se déroule une journée type sur la Gibraltar race ?

Lever à 06h00 - 06h30, et tel un athlète de « haut-niveau », je m'échauffe. Mine de rien, c'est super important. Petit-déjeuner à 07h00. Dernière inspection des motos à 07h30 (au cas où il y ait une crevaison lente). Puis, nous recevons les fichiers GPS 15min avant nos départs, soit à 07h45 pour le premier parti.

Dès lors, nous commençons à "tracer" les spéciales. En quoi consiste cette étape de préparation ? Pour faire simple, l'idée est de déterminer un parcours permettant de relier chaque point de passage. Ce n'est pas évident car ils sont perdus en pleine pampa. Il faut donc se creuser la tête pour trouver des pistes ou sentiers permettant de tous les rallier. C'est une étape importante qu'il faut prendre le temps de peaufiner dans les bonnes conditions pour s'éviter d'errer plus tard sous le cagnard.

Les premiers concurrents partent à 08h00, puis chacun fait sa course. Le soir, nous nous retrouvons tous au bord de la piscine, une bière à la main. Vers 19h00, c'est vérification mécanique des bécanes. Aujourd'hui par exemple, j'ai décelé un généreux jeu dans la colonne de direction. 20h00, briefing pour l'étape du lendemain. Nous y recevons la feuille de route détaillant les kilométrages des spéciales et des liaisons. 20h30 dîner. 21h30 préparation des affaires pour le lendemain. Chacun "pioche" dans sa malle transportée par l'organisation. Ensuite, nous filons au dodo. Il faut dire qu'après 500 bornes de crapahute, tout le monde est explosé.

Sur le papier, l'itinéraire du jour faisait 436km. Dans la pratique, ce fut presque 500km.

La faute à mon sens de l'orientation douteux, voire carrément absent. Que s'est-il passé ? Précédemment, j'évoquais l'importance du traçage des spéciales dans de bonnes conditions... Et bien, j'ai profité de la fraîcheur matinale pour « dessiner » les trois premières et tout s'est passé nickel sur le terrain. La dernière ? Je l'ai conçue sous les fortes chaleurs de l'après-midi. Résultat : je me suis paumé. J'ai manqué un chemin. Impossible de le dégoter ! Je navigue un peu à l'aveugle tombant parfois sur des domaines privés, des barrières ou des voies sans issue. Ces pérégrinations hasardeuses m'éloignent de plus de 20km du tracé à suivre ! Je lance Osmand à la rescousse. Puis après de longues minutes d'errance et de manipulations salvatrices sur ma tablette, je rejoins finalement le tracé originel. Ouf...

Hormis cet épisode un peu chaotique, cette journée est pour moi une grande réussite. Je reprends confiance, je ne chute pas, mes navigations sont plus précises. Ce qui a changé ? Je me fixe des objectifs réalistes adaptés à mon niveau, des limites pour rester en "sécurité" et surtout je ne mets plus la pression sur le chrono. Ça change tout !!!

Afin de rouler plus sereinement, j'évite d'être seul. Et oui, relever la T700 est un plaisir qui se pratique à plusieurs (surtout à cause de mon épaule en vrac). Je regarde donc le classement et choisis d'accompagner un Danois qui est une place devant moi. Mauvaise pioche car aujourd'hui il décide de rouler pépère avec son frère. Je mets ensuite le grappin sur un groupe de Français. Sauf que ? Les niveaux sont très disparates et ils sont plus lents que moi. Je me décide donc à rouler seul à mon rythme. Mais je m'assure d'être toujours dans le milieu du peloton. Ainsi, si je me gamelle, je serai assez rapidement rattrapé et "secouru". C'est rassurant et cette méthode me permet ainsi de piloter l'esprit tranquille, sans redouter une épreuve d’haltérophilie solitaire impromptue.

Aujourd'hui, nous roulons à travers une belle diversité de décors et de surfaces.

Tantôt sur pistes gravillonneuses dans des paysages désertiques peuplés de cactus et de figuiers, tantôt sur des petits sentiers caillouteux de forêt bien rafraîchissants en cette journée par 40°C. Les moments que je redoute un peu ? Les sections sableuses. En théorie, c'est facile. Tous les autres motards me le disent : "C'est simple, tu te positionnes en arrière et tu mets du gaz". Ouais, sauf que dans la pratique, c'est nettement plus hasardeux (surtout avec mon niveau).

Les moments funky de la journée ? D'abord la traversée de la rivière Guadalquivir en bac, à Coria Del Rio. Un beau souvenir. Ensuite, le partage d'un café avec un motard autrichien et un autre italien au beau milieu de nulle part. Nous devons ce moment sympa à un gars de l'organisation qui a sorti son réchaud pour nous préparer ces remontants. C'est vraiment le genre d'instant inattendu que j'adore.

Enfin, toute cette journée est ponctuée de rencontres avec la faune locale : flamands roses, taureaux, chevaux et un cochon noir qui frôle ma roue avant. Petite frayeur !

La journée d'hier s'étant super bien déroulé, je décide de garder la même stratégie aujourd'hui. À savoir ? Prendre mon temps pour tracer les spéciales, rouler en milieu de peloton, ne pas prêter trop attention au chrono, et accessoirement, prendre du plaisir !

Le programme d'aujourd'hui : seulement 340 km à abattre.

Suspicieux, non ? Nous savons désormais qu'un faible kilométrage présage des spéciales difficiles. Et rapidement, je comprends que c'est le cas. En effet, après seulement quelques kilomètres sur route, je m'engage sur des sentiers de montagnes techniques au possible. Virages en épingle, déclivité généreuse, cailloux à gogo, aucune adhérence : un vrai régal ! La difficulté pour moi ? Réussir à manœuvrer mon enclume malgré son rayon de braquage réduit et surtout mes lacunes en technique. Oui, surtout ça, hein !

Après une centaine de kilomètres sur ces chemins casse-tronche, j'attaque la première spéciale. On ne change pas une équipe qui gagne : j'y vais à mon rythme et je reste concentré sur la navigation. Résultat ? Évidemment, je suis hors chrono mais j'arrive à relier tous mes waypoints. C'était mon objectif donc je suis super content. Le hic ? je suis déjà rincé. Il faut dire que par 37°C, chaque effort physique est intense.

Je me mets à l'ombre. Je prends le temps de bien tracer ma seconde spéciale et j'attaque. 1er waypoint, ok. 2ème et 3ème, ok. Finalement, j'atteins le sommet d'une colline avec devant moi un obstacle de taille : une descente vertigineuse ! Et surtout, une montée tout aussi à-pic de l'autre côté. Que dis-je, un mur ! Que faire ? Se jeter dans cette cuvette de la mort tout seul ? Que nenni ! La raison l'emporte et je me résous à faire demi-tour. Mais au moment ou je repars, j'entends des moteurs en contrebas. Je béquille. Je m'avance au bord du "précipice". Et qui vois-je ? Bruno et deux autre motards coincés au fond de cette baignoire naturelle. "Dégage de là ! Ne viens pas !" Me lance Bruno. Roh, bah, t'inquiète pas, ce n'était pas vraiment dans mes intentions...

J'apprendrai plus tard que mon coéquipier a dû faire appel à l'assistance pour sortir de son trou. Tu veux savoir la meilleure ? Cette pente affiche une déclivité monstrueuse de 34%. Je remercie alors mon manque de technique et ma raison (pour une fois), qui m'ont convaincu de ne pas m'engager dans ce supplice à la sauce enduriste. Je pars donc vers une autre direction. Je me paume. Je rebrousse chemin. Mais tant bien que mal, je trouve une alternative et valide tous mes points de passage. Objectif accompli !

Après plusieurs heures à rouler sur les pistes de montagnes, il faut être honnête, j'ai largement ma dose de virages en épingle. La caillasse, les lacets interminables, l'absence constante d'adhérence... Il n'y a plus de route en Espagne ? Finalement, le dieu bitume exauce mes prières ! 4km avant Malaga, je pose à nouveau mes roues sur de l'asphalte. Quel bonheur ! Arrivé à destination, je regarde le chrono. À 10 minutes près, j'étais bon pour le timing de la journée. Quel bilan j'en tire ? Archi-positif. Je finis 22ème sur 29 et surtout j'ai rempli tous mes objectifs. À savoir : aller jusqu'au bout de la journée, relier tous les points de passages et ne pas chuter.

Ce que je trouve intéressant dans cette course, c'est que chacun se fixe ses propres défis.

Certains évidemment jouent la gagne alors que d'autres veulent simplement atteindre l'objectif final San Sebastian. La Gibraltar Race te confronte à tes propres limites. Libre à toi de les dépasser. Par exemple aujourd'hui, je suis venu à bout de la descente la plus vertigineuse de ma vie de motard. Une fois engagé dedans, impossible de m'arrêter. La caillasse rend tout freinage impossible. Dans ce cas, il faut juste accepter sa destinée, gérer au mieux la glisse et croiser les doigts pour arriver entier en contrebas.

Un autre fait de course notable aujourd'hui ? Ah oui, un des motards a heurté un cycliste. Sans gravité heureusement. Je pense, par contre, que c'est un bon rappel pour tous les concurrents : c'est une course sur route ouverte. Il faut garder en tête qu'à tout moment, nous pouvons croiser un randonneur, un VTTiste ou même des camions sur les pistes roulantes.

Dernier point qu'il me semble important de souligner. En cette fin de journée épuisante au possible, je déguste une des meilleures bières de ma vie ! Qu'a-t-elle de particulier ? Elle a la saveur de cette mousse méritée au centuple après une journée à crapahuter dans la caillasse pendant 500 bornes. Ajoute à ça un sandwich au jambon de pays salvateur et je suis l'homme le plus heureux du monde !

C'est dimanche et journée off. Un repos amplement mérité à ce stade de la course. Réveil pépère à 07h30. Avec Bruno, nous sommes les seuls au petit-déjeuner. Il semblerait que l'ensemble des troupes soit rincé. Au programme aujourd'hui ? Session mécanique, lavage des motos, lessive des fringues, inspection détaillée des bécanes, resto à Malaga, balade à pied dans la ville et baignade à la plage. Apéro, briefing et au dodo.

Et du repos, indispensable ! Demain, de très grosses spéciales nous attendent. En effet, si d'habitude elles durent 20 ou 30 kilomètres, c'est entre autres une épreuve de 66 bornes que nous devrons boucler. Un gros programme !

Nous voilà à mi-parcours de cette Gibraltar Race. Et si le premier et le troisième jours furent très durs psychologiquement et physiquement, j'ai repris du poil de la bête et les journées suivantes se sont bien déroulées. Cela me conforte dans mes choix et me rassure quant à la suite des événements. Suis-je sûr de tenir jusqu'au bout ? Absolument pas ! N'oublions pas que c'est une épreuve d'endurance et que la moindre mauvaise chute peut tout compromettre. Allez, on y croit !

----> Je relève le challenge de la Gibraltar race : 3ème jour, la "grosse" chute de trop ; 4ème jour, une pause s'impose ! (épisode 3)